La médiation par l’animal est un concept qui existe depuis plusieurs milliers d’années. On trouve notamment plusieurs textes relatant différentes approches soutenant la thérapie par l'animal. Grâce à la mondialisation et au partage de connaissances, notre métier connaît un fort développement depuis les 30 dernières années.
- IVè siècle av. Jésus-Christ (Grèce Antique): Le philosophe et chef militaire Xénophon
relate dans ces écrits l’utilisation de chevaux pour guérir des malades « Le cheval est un bon maître, non seulement pour le corps mais aussi pour l’esprit et pour le cœur. »
- IX siècle ap. Jésus-Christ (Belgique, Gheel) : La petite ville de belgique est connue notamment pour l’accueil, le traitement et l’inclusion des handicapés mentaux dans sa population. Pour la première fois, des animaux (volatils) sont utilisés et confiés aux patients pour un but thérapeutique.
- XVIIIème siècle ap. Jésus-Christ (Angleterre), William Tuke
fonde le York Retreat, institution spécialisée dans le traitement des maladies mentales, initiée par et pour les Quakers (membre de la communauté religieuse du même nom). Celle-ci a pour but de remplacer les méthodes traditionnelles utilisées dans les instituts psychiatriques (enfermement, enchaînement, violence) en proposant des méthodes plus douces. Notamment, les patients sont mis en contact avec des animaux de ferme pour les responsabiliser et les conforter.
- XIXème siècle ap. Jésus-Christ (Allemagne, Bielefeld) À l’institut Bethel, la médiation par l’animal est utilisée dans la thérapie des patients souffrant d'épilepsie.
Et plus récemment :
1962 : le psychologue américain Boris Levinson, psychologue pour enfant, se retrouve confronté à un patient refusant toute communication avec le monde extérieur et au bord de l’internement. La présence fortuite du chien du psychologue attire l’enfant qui établit facilement une connexion avec lui. Dès lors, le chien joue le rôle d’intermédiaire entre l’enfant et le psychologue. Mr Levinson garde son chien au cabinet et reproduit la rencontre entre son chien et d’autres patients. Il observe que ce contact est bénéfique pour de nombreux patients. Ainsi, le psychologue publie les résultats de ses observations et recherches en 1969 dans son livre “Pet orientated chil psychoterapy” (Psychothérapie Infantile Assistée par l’Animal).
Dans les années 80, en France, le docteur vétérinaire
Ange Condoret échange avec le professeur Levinson et développe via la médiation animale, une nouvelle méthode de thérapie pour les enfants souffrants de trouble du langage.
Ainsi on ne peut pas dire que la médiation par l’animal est une méthode très récente. Cependant, son développement dans le monde entier a surtout eu lieu au cours des 30 dernières années ce qui a contribué à la naissance d’une harmonisation mondiale des définitions, des termes et des méthode de travail.
Il y encore un long chemin à parcourir pour arriver au « métier reconnu internationalement », mais les pays font d’énormes progrès. Il existe notamment une organisation internationale, l’IAHAIO
(International Association of Human-Animal Interaction Organisations), qui a été créé 1992 par 12 organisations du métier des différents pays (avec entre autres AFIRAC France). Aujourd’hui, elle comporte plus que 90 membres.
Une autre organisation, l’ISAAT
(International Society for Animal Assisted Therapy), a pour but d'accréditer les institutions qui travaillent dans la médiation par l’animal pour assurer un niveau élevé de qualité et permettre de faire reconnaître les interventions assistés par l’animal comme un vrai travail pédagogique ou thérapeutique.
Depuis 2004, il existe aussi en Europe l’ESAAT
(European Society for Animal Assisted Therapy) qui a comme objectif la recherche et la promotion de la thérapie assistée par l’animal et sa standardisation. Elle souhaite diffuser le savoir sur la relation homme – animal.
Depuis 2019 en France la formation de la médiation par l’animal (réalisée chez Agatéa par exemple) est reconnue par l’état. Une grande étape de la reconnaissance de ce métier.
Le point clé dans la médiation par l’animal est la relation qui se crée entre l’humain et l’animal. Il y a beaucoup de raisons et de théories sur l’impact que les animaux ont sur les humains et les explications pour ce phénomène sont très différentes selon les auteurs et leurs disciplines.
Je vais entrer ci-dessous dans les détails de quelques théories très importantes pour notre métier.
La Biophilie
Erich Fromm créé en 1964 l'expression biophilie
dans son livre « Le cœur de l'homme », qui signifie l’amour pour la vie et tout ce qui est vivant. Suite à cela, plusieurs auteurs ont repris cette expression dans leurs théories et l’ont développée (principalement Edward O. Wilson). Ils ont élaboré des concepts différents qui expliquent pourquoi la nature, et surtout les animaux, ont un tel effet sur nous, les humains, et éclairent ainsi la relation animal-humain.
Tous ces auteurs ont en commun le fait que l’humain est attiré par la nature.
En 1984, Wilson explique dans ce qu’il nomme « l’hypothèse de la biophilie », le fait que cette affinité pour la nature et les êtres vivants s’est formée durant notre évolution et fait maintenant partie de notre héritage génétique. Pour survivre nous étions, durant toute notre histoire, obligés d’être relié avec la nature et devant nous adapter à elle à 100 %.
« Toutes nos capacités, notre façon de réagir aux influences extérieures et notre mode de pensée se sont adaptés à la nature au cours de notre propre évolution. Nous en manquons donc depuis que nous nous en sommes éloignés de plus en plus à travers l’industrialisation ».
Kellert détaille la biophilie en 9 perspectives différentes qui expliquent notre attirance pour les animaux, les plantes et la nature en général.
L’idée pour le respect profond de la vie et de la nature était déjà exprimée par Albert Schweitzer, qui a basé ses théories philosophiques là-dessus.
Pour la médiation par l’animal, la biophilie est importante parce qu’elle explique que la plus grande partie des humains se sent attirée par la nature et profite de sa présence. Des animaux relaxés aident à se détendre. En présence de la nature on se sent entier et consolidé. Voir dans la nature de petits animaux qui mangent a toujours été un signe inné qu’il y’avait aucun danger.
« Du-Evidenz »
Bühler créé en 1922 le terme « Du-Evidenz » qui décrit la capacité des humains de reconnaître d’autres humains comme des individus et de les respecter. Plus tard ce concept a été transféré aussi sur les relations entre humains et animaux. Cette idée est importante pour notre métier, car elle décrit comment les humains créent des relations avec les animaux de la même façon qu'avec d'autres humains. Et inversement, comment les animaux créent des relations avec nous de la même façon qu'avec d'autres animaux.
« Du- Evidenz » veut dire qu’on découvre des ressemblances entre les autres (humains ou animaux) et soi-même et qu’on les prend comme base pour ses pensées et ses actions. Ce faisant, « n’importe quel animal » devient un « animal particulier, individuel » que l’on connait, reconnait, apprécie. On connait sa personnalité et son caractère. On lui donne un nom, il devient unique. Il devient membre de notre groupe ou de notre famille, son destin nous est attaché. Sa mort nous rend triste.
La « Du-Evidenz » est alors la base de l’empathie. Elle se pose sur le ressenti et la compassion avec l’autre. Elle peut être unidirectionnelle (par exemple, un résident dans une maison de retraite crée une relation avec un lapin, mais pour le lapin cet humain n’est pas important). Si elle est réciproque, les individus commencent à se comprendre et à trouver des moyens de communication, verbale ou non-verbale.
La « Du-Evidenz » est alors surtout intéressante entre des individus qui sont socialement actifs, comme les animaux vertébrés et les humains. Elle est la condition préalable dans la médiation par l’animal, parce qu’elle permet de créer des relations personnelles et l’identification, l’empathie, l’effet-miroir, etc…
L’Empathie
L'empathie est la capacité à s'identifier à quelqu'un, à ressentir et partager ses émotions ; elle représente une forme de compréhension affective de l'autre.
Pour être empathique il faut bien connaître ses propres sentiments pour comprendre les sentiments de quelqu’un autre. Ceux qui ont de l'empathie sont attentifs aux émotions des autres et les écoutent, font preuve de sensibilité et comprennent le point de vue des autres, les aident en fonction de ce dont ils ont réellement besoin et de ce qu'ils ressentent. L’empathie est d’une importance marquante pour notre relation avec des animaux, car nous sommes responsables pour eux et leur bien-être en tant que propriétaires. Les animaux ne peuvent pas nous dire ce dont ils ont besoin ou comment et de quoi ils souffrent. De plus, beaucoup d’animaux comme par exemple les lapins et les chevaux n’ont pas de sons pour les douleurs et la souffrance. Pour savoir quand il y a nécessité d’agir il faut alors avoir une bonne connaissance des spécificités des animaux mais aussi bien connaitre les comportements de ses propres animaux. Il faut être capable de se mettre à leur place. C’est très important aussi pour l’organisation des séances de la médiation par l’animal, de ne pas dépasser les limites des animaux et de ne pas les épuiser. (Gestion des vigueurs)
Compatir avec des êtres vivants augmente le développement des relations et des compétences socio-émotionnelles. Les enfants sont facilement empathiques avec les animaux, ils cherchent leur amitié et désirent les comprendre, les toucher et interagir avec eux.
Ocytocine
L’hormone ocytocine nous donne une autre explication du fait que le contact avec les animaux fait du bien aux humains. Elle s’appelle aussi « l’hormone des câlins » et provoque plein de bonnes réactions dans notre corps et notre psyché.
L’ocytocine est produite dans le diencéphale, plus spécifiquement dans l’hypothalamus, et arrive par les voies nerveuses dans l’hypophyse. Par la stimulation sensorielle d'un réseau de nerfs contenant de l'ocytocine, celle-ci est libérée dans le sang et le cerveau. La production de l’ocytocine provoque – chez l’humain comme chez l’animal – plusieurs effets positifs physiologiques et psychologiques comme par exemple : diminution des hormones de stress, réduction de la tension artérielle et de la fréquence de battement du cœur, réduction de la peur et de l’agressivité, amélioration des compétences sociales, reconnaissance positive de soi-même, renforcement de la relation entre les humains et les animaux. L’ocytocine détend et donne du bien-être.
Les « neurones de miroir »
Il s’agit d’un apport neurobiologique pour comprendre les relations entre les humains et les animaux. « Les neurones miroirs sont des cellules cérébrales qui, tout en observant ou en simulant un processus, stimulent les mêmes potentiels d'activité qui seraient déclenchés si le processus était activement conçu et exécuté par lui-même. Avec la découverte de ces neurones miroir par un groupe de scientifiques italiens autour de Giacomo Rizzolatti en 1990, nous avons une base pour comprendre la synchronisation, l’imitation intuitive et aussi l’empathie. Par conséquent les neurones miroir sont très importants pour nos relations avec les animaux, avec lesquels il est indispensable de comprendre l’état d’âme de l’autre et de pouvoir adapter son comportement.
Le lien
Des liens solides créés dans sa propre enfance sont importants pour pouvoir créer des liens solides plus tard dans sa vie. Ils influencent nos émotions, nos compétences sociales et notre intelligence émotionnelle.
« Les humains peuvent établir des relations approfondies non seulement avec d'autres personnes mais aussi avec des animaux, ce qui a un impact positif, en particulier en ce qui concerne les besoins émotionnels et sociaux. Les liens entre les humains et les animaux peuvent être réciproques.
Il est primordial pour notre travail d’avoir de bons liens avec nos animaux pour qu’ils nous fassent confiance et s’orientent à nous dans les situations de stress » (Olbrich, E./ Ottertstedt). Comme ça nous pouvons travailler ensemble.
« En résumé, il existe toute une série de preuves directes et indirectes suggérant que même les animaux peuvent développer des liens avec les humains » (Julius, H./ Beetz, A./ Kotrschal, K./ Turner, D./ Uvnäs-Moberg, K.). Les liens pleins de confiances des enfants avec des animaux ont des effets positifs pour les enfants, ça leur donne des forces et les motivent. Dans la médiation par l’animal nous créons des liens entre les bénéficiaires et les animaux.
Nous voyons, qu’il y a des raisons très différentes et de plus en plus prouvé par la science, de pourquoi et comment les animaux peuvent améliorer notre vie.
Donnons-leur à eux aussi de bons retours pour une vie en respect de leurs besoins.